par Guénaël Pépin, ZDNet France. Publié le 13 octobre 2010
Dossier - Plus de 10 ans après la publication de la norme HTML4, son successeur HTML5 promet de révolutionner notre usage du Web. Rétrospective et tour des
attentes avec Tristan Nitot, président de Mozilla Europe et Daniel Glazman, cochairman du groupe de travail CSS au W3C.
VOLET 1 - Evolution ou révolution ? HTML5, la future version du langage de création des pages Web, attise autant la curiosité, l'envie, que la méfiance. Il est le successeur de
HTML4, normalisé par l'organisme de définition des standards World Wide
Web Consortium (W3C) en 1997.
Le Web est donc resté 13 ans sans évolution de son standard fondateur, une éternité durant laquelle les sites ont évolué, parfois de manière non standard. Le consortium n'est pourtant pas resté
les bras croisés, comme l'explique Daniel Glazman, cochairman du groupe de travail sur le langage CSS au W3C.
1997 - 2010 : 13 ans de travail sur XHTML2 et HTML5
« Pendant toutes ces années, le W3C s'est d'abord
focalisé sur XHTML 1.0 (la XML-isation de HTML 4), XHTML 1.1 (la même chose modularisée et qui n'intéresse quasiment personne) et surtout XHTML 2 en 2001 » retrace-t-il.
XHTML 2 « tentait d'occuper le même espace et était supposé être plus propre que le modèle HTML d'origine ». Il était donc incompatible avec l'existant (HTML4 et XHTML 1.0), « ce qui aurait
obligé tous les éditeurs de site Web à investir énormément de temps et d'argent pour évoluer ».
Pendant ce temps, le HTML était laissé sur le bord de la route. « Le Working Group qui travaillait là-dessus ne voulait pas s'occuper de HTML4, tous les retours sur HTML4 et même les demandes
d'harmonisation avec des standards plus récents (la programmation objet (DOM) par exemple) étaient rejetées. »
Le HTML laissé sur le bord de la route
Un enfermement qui a mené à la création d'un groupe, externe au W3C, pour travailler sur la cinquième version du HTML. « Ce comité, c'est le WHAT
Working Group (WHAT WG), activement soutenu par Mozilla, Google, Apple et Opera. »
Le W3C a enfin abandonné le XHTML 2 au profit d'un travail sur HTML5, initié par le WHAT WG. Un choc des cultures : « Le W3C suit un processus assez (trop ?) rigoureux mais l'expérience des 16
ans d'existence du W3C a montré pourquoi c'est nécessaire ; de son côté, le WHAT WG fonce en ne se préoccupant quasiment de rien si ce n'est de la technique », poursuit Glazman.
Internet Explorer 6 et « la stagnation du Web »
Pour Tristan Nitot, président de Mozilla Europe, HTML4 est resté la norme tout ce temps à cause d'un autre facteur : la stagnation des navigateurs Web. En 2001, Microsoft lance Internet Explorer 6, une version majeure qui dominera le marché pendant de longues
années, sans pour autant respecter les standards ou évoluer.
« C'était une époque où tout le monde développait des sites pour IE5 et 6, alors qu'on savait que ce navigateur n'avait pas d'avenir. On voyait la promesse du Web s'éloigner » se rappelle-t-il.
Selon le président de Mozilla, « cette période s'est terminée à la sortie de Firefox 1.0, fin
2004, ensuite rejoint par Chrome. À partir du moment où les éditeurs de navigateurs ont commencé
à pousser le standard, les choses ont avancé rapidement, et surtout concrètement, avec le début des implémentations. »
Cette stagnation a aussi nourri le succès d'un logiciel propriétaire présent sur la majorité des ordinateurs aujourd'hui : Flash, de Macromedia (ensuite racheté par Adobe). Le lecteur a permis d'affranchir le Web des limites du HTML : animations complexes, audio,
vidéo... au prix de l'utilisation d'une technologie non normalisée.
Une nouvelle promesse pour le Web
Pour revenir dans la course, la norme HTML5 se devait donc de proposer des innovations importantes. D'abord, de nouvelles balises « sémantiques » censées mieux définir le contenu d'une page
(entête [header], menu [nav], section de page [section], article, pied de page [footer]...).
Ensuite de nouveaux types de contenus : l'audio, la vidéo, les animations 2D et 3D (canvas, pour créer des logiciels et jeux).
Il étend aussi les interactions avec le système : le Web « hors ligne » (stockage de contenus et utilisation de sites hors connexion), l'édition de contenus dans la page, le glisser-déposer, la
géolocalisation, la détection de l'orientation ou encore l'accès à la caméra.
Pour Daniel Glazman, « le plus intéressant dans HTML 5 tient en deux morceaux : ces nouveautés et les trous de HTML 4 enfin comblés ».
Pour Tristan Nitot, c'est aussi une bataille entre modèles propriétaires et libres. « Le vrai défi du Web, c'est de se montrer pertinent en tant que plate-forme de développement face à deux
grands adversaires » commente-t-il. « Sur le bureau, les technologies propriétaires que sont le plug-in Flash et dans une moindre mesure Silverlight, et sur le mobile, les applications natives distribuées par les app stores.
»
Une bataille entre modèles propriétaires et libres
Sur le premier terrain, le succès du Web est pour lui garanti : « Le Web offre une ouverture (on peut interconnecter ses composants dans des mash-ups) et une base de développeurs sans commune
mesure ». Sur mobile, « tout reste à inventer, d'autant que les app stores répondent aux attentes des utilisateurs. Mais le Web n'a pas dit son dernier mot ».
Daniel Glazman explique que « le but est de donner au Web un format ouvert, moderne, interopérable et répondant aux attentes et besoin des auteurs de sites. Cela finira par tuer Flash et
Silverlight mais ce ne sera qu'un effet de bord, pas un but en soi ».
La bataille de l'ouverture ne serait enfin pas si manichéenne : « Apple contribue à un HTML5 ouvert en vendant des hardwares fermés et des contenus inexportables, Google contribue à un HTML5
ouvert en vendant de la publicité et un moteur de recherche fermé, et Opera contribue à un HTML5 ouvert alors que son logiciel n'est pas Open Source... ». Bref, les partisans de HTML5 ont encore
des choses à prouver...
Les éditeurs de navigateurs, premiers promoteurs du HTML5
Pour tenir ses promesses, le « Web » dispose d'un soutien très fort des éditeurs de navigateurs. Même si la norme HTML5 ne sera pas arrêtée avant un très long moment, les principaux navigateurs
(Internet Explorer 9 compris), intègrent déjà ses éléments en travail.
La communication autour de la nouvelle norme est aussi remarquable, notamment du côté de Google et Apple.
« Disons que l'enthousiasme des services marketing dépasse parfois la pensée des développeurs, et c'est bien naturel quand on se souvient de la longue période de stagnation du Web, à l'époque où
Internet Explorer monopolisait le marché sans pour autant évoluer » justifie Tristan Nitot.
« Si l'exagération de certains discours marketing est le prix à payer pour retrouver l'innovation sur le Web, je trouve pour ma part que c'est un prix fort raisonnable » ajoute-il.
Encore loin d'être normalisé
Cet empressement ne serait d'ailleurs pas un problème, les navigateurs devant respecter la norme pour pouvoir s'y associer. Pour Daniel Glazman, « beaucoup d'erreurs dans un rapport de conformité
de navigateur visible par tous fait bien plus de mal que tous les éléments marketing employés par la concurrence ».
La norme n'est enfin pas prête d'être finalisée. « Nous ne sommes pas ici en train de parler d'un meuble ou d'un kilomètre d'autoroute pour lesquels on peut donner des deadlines relativement
précises (encore qu'en France, on soit spécialistes des deadlines non tenues...). »
« Il faut rédiger, faire des compromis, traquer les imprécisions, les incohérences avec d'autres spécifications, écrire des dizaines de milliers de tests qu'il faut valider, écrire le code dans
les navigateurs qui implémentera ces fonctionnalités pour les tester. Bref, ce n'est pas pour demain » conclut le cochairman du groupe de travail CSS.
Sommaire Dossier HTML5
1 - Petite histoire et promesses d'une évolution majeure du Web
2 - Une nouvelle porte pour les applications riches sur le Web
3 - De nouveaux outils pour la sémantique et le référencement
4 - Le remplaçant de Flash sur la vidéo ?
5 - HTML5 pourra-t-il tenir ses promesses ?